Il est possible de synthétiser des macromolécules de lumière

En collaboration avec des équipes de recherche russes, américaines et australiennes, des chercheurs du laboratoire Interdisciplinaire Carnot de Bourgogne (ICB) ont prouvé qu’il était possible de façonner des ondes lumineuses dont la structure serait analogue à celle de larges molécules de matière.
Comprendre et contrôler les ondes et leurs mouvements (comme les vagues océaniques, la lumière, le son, etc…) fascine l’homme depuis plusieurs siècles. Ce sujet d’étude est aujourd’hui au centre des sciences physiques et de l’ingénierie. À ce sujet, un exemple récent des avancées scientifiques et technologiques est la fibre optique, qui a révolutionné la photonique en offrant de remarquables contrôles sur les ondes lumineuses, avec des applications dans le domaine des télécommunications, de l’imagerie médicale, des lasers, etc.
Cette année, de nouvelles recherches en physique théorique et expérimentale appliquées à la photonique ont permis de montrer comment façonner des ondes lumineuses avec une structure analogue à de larges molécules de matière (macromolécules), à la manière d’une chaîne polymère (large molécule constituée d’un motif répétitif d’atomes et de liaisons). Chaque atome ou élément constitutif de la « molécule photonique » obtenue correspond à une respiration ou pic de forte amplitude de l’onde lumineuse.
Les structures générées présentent une analogie aux liaisons chimiques entre les pics (comme des liaisons simples, doubles, ou triples) qui se répètent indéfiniment, créant ainsi des composés moléculaires (ici de lumière) de très grandes longueurs. Dans ces macromolécules photoniques, la lumière subit donc une riche dynamique oscillatoire périodique lui permettant de se propager sur de longues distances sans aucune force externe ou échange d’énergie agissant sur le système.
Jusqu’à présent, seules des molécules photoniques simples (structure à 2 ou 3 atomes) ont été observées « de manière empirique » et limitées à des systèmes complexes d’amplification de la lumière tels que les cavités lasers. Les nouveaux résultats, publiés ce mois-ci dans un article de la prestigieuse revue Physical Review Letters, sont le fruit d’une collaboration internationale entre des chercheurs basés en France, en Russie et en Australie1. Les auteurs, parmi lesquels Bertrand Kibler et son équipe à l’ICB, généralisent le concept de molécules photoniques et démontrent leur possible synthèse dans des systèmes plus simples de la physique des ondes. Les expériences sont menées avec une lumière issue d’une simple diode laser sur une échelle de temps de quelques picosecondes (un millionième de millionième de seconde) dans une fibre optique standard, généralement utilisée pour les réseaux de télécommunications longue distance et les applications de fibre optique FTTH (jusqu’au domicile).
Leur travail fournit également la description théorique complète de ces macromolécules d’ondes, qui peut maintenant être appliquée à de multiples domaines scientifiques tels que la physique des plasmas, des atomes froids et la dynamique des fluides (vagues océaniques). Cela améliorera la compréhension de la formation spontanée d’ondes complexes et stimulera de nouvelles applications. Enfin, notons que ces chercheurs ont réussi à isoler un seul « atome » de ces molécules de lumière. Ces travaux ont bénéficié de financements du programme ISITE-BFC2 et de la fondation pour la Science de Russie .
- Université d’État Novosibirsk et Institut de Physique Théorique de Chernogolovka en Russie, Université de Sydney, en Australie et Université d’Arizona (Tucson), aux USA
- Programme Investissements d’Avenir, contrat ANR-15-IDEX-03, Junior Fellowship “Breathing Light”
Contact :
Bertrand KIBLER
ICB (CNRS/UBFC)
bertrand.kibler@u-bourgogne.fr
Références :
« Breather wave molecules », G. Xu, A. Gelash, A. Chabchoub, V.E. Zakharov, and B. Kibler, Physical Review Letters, vol. 122, pp 084101 (2019).
« Phase evolution of Peregrine-like breathers in optics and hydrodynamics », G. Xu, K. Hammani, A. Chabchoub, J.M. Dudley, B. Kibler, and C. Finot, Physical Review E, vol. 99, pp 012207 (2019)
Publié le 7 mars 2019
Auteurs : Valentin Euvrard et Bertrand Kibler
Lire l’article source publié sur le site de l’ICB