Imagerie : une nouvelle méthode pour élucider l’action des lipoprotéines – COMUE Université Bourgogne Franche-Comté

Imagerie : une nouvelle méthode pour élucider l’action des lipoprotéines

Les lipoprotéines sont capables d’éliminer certaines toxines bactériennes en les transportant vers le foie. La démonstration a été faite grâce à une technique de marquage qui fonctionne aussi bien à l’échelle de l’animal vivant qu’au niveau cellulaire. Ce travail original a fait appel aux compétences mêlées de biologistes et de chimistes de deux laboratoires bourguignons.

Les lipoprotéines sont des ensembles de molécules sphériques qui transportent des graisses, dont le cholestérol, dans la circulation sanguine. Il en existe différents types : on distingue celles qui jouent un rôle « d’éboueur » en acheminant le cholestérol vers le foie pour l’éliminer (les HDL), et celles qui le transportent vers les tissus mais qui sont susceptibles de déposer l’excédent dans les artères (les LDL).1 Il s’avère que les lipoprotéines interviennent aussi dans les mécanismes inflammatoires, même si on connaît moins bien les processus en jeu…

Le laboratoire Lipides, nutrition, cancer (LNC – UMR 1231 ISERM/ uB) s’intéresse depuis une quinzaine d’années à l’action de ces particules  dans la régulation de l’inflammation. Au sein de l’équipe LIPNESS2, Thomas Gautier cherche en particulier à élucider leur rôle dans l’élimination de certaines toxines bactériennes : les endotoxines. En effet, dans le cas de malades atteints d’un choc septique, par exemple, ces toxines déclenchent des réactions inflammatoires tellement fortes qu’elles sont susceptibles d’endommager les organes malgré un traitement antibiotique efficace. Ce phénomène est lié au fait que, même si les bactéries sont tuées, les endotoxines présentes à leur surface restent dans l’organisme et continuent de le faire réagir. « Nous avons réussi à montrer, il y a quelques années, que les lipoprotéines sont capables de transporter et d’éliminer ces endotoxines, explique Thomas Gautier. Mais il nous fallait trouver par quelle voie. Nous avons voulu vérifier qu’elles étaient bien transportées vers le foie, comme cela se passe pour l’élimination du cholestérol ». Pour cela, encore fallait-il pouvoir suivre leur trajet…

Pour cela, les biologistes ont fait appel aux compétences des chercheurs de l’Institut de chimie moléculaire de l’université de Bourgogne (ICMUB – UMR 6302 CNRS/uB). L’équipe de Franck Denat y a développé au fil des ans une véritable expertise dans la création de molécules pour l’imagerie. Les chimistes sont venus en aide aux biologistes en élaborant un nouveau marqueur qui leur permette de visualiser le chemin emprunté par les endotoxines. Ce marqueur est capable de s’y fixer de manière stable, sans modifier ses propriétés, et combine une partie fluorescente et une partie radioactive. Il permet ainsi de visualiser à la fois le trajet des endotoxines sur l’animal entier et vivant, au fil du temps, avec des techniques apparentées à la scintigraphie3, mais aussi de les faire ressortir sur des prélèvements de tissu examinés au microscope. Grâce à ce procédé, qui donne une image colorée de la concentration de ces marqueurs, les biologistes ont non seulement pu vérifier que le foie jouait bien un rôle clé dans l’élimination des endotoxines transportées par les lipoprotéines, mais aussi observer leur absorption par les cellules du foie. Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour des situations de choc septique présentant un fort risque de mortalité et face auxquelles la médecine actuelle reste démunie. Ce nouveau procédé de marquage qui cible les lipoprotéines pourra aussi être exploité pour le diagnostic de maladies cardiovasculaires ou de certaines tumeurs cancéreuses (celles-ci étant particulièrement gourmandes en cholestérol).

Ces expériences ont pu être réalisées grâce à la plateforme Pharmimage hébergée par le Centre de lutte contre le cancer Georges-François Leclerc (CGFL) de Dijon avec laquelle l’ICMUB et le LNC collaborent. Cette plateforme qui dispose d’équipements pour l’imagerie du petit animal permet de développer de nouveaux procédés d’imagerie, thérapeutique et diagnostic.

Ces recherches ont été financées grâce au Labex LIPSTIC4, qui vient d’être reconduit pour 5 ans, à la convention 3MIM (Marquage des Molécules par les Métaux pour l’Imagerie Médicale) et au Plan d’actions régional pour l’innovation (PARI II) « Pharmaco-imagerie et agents théranostiques » de la région Bourgogne-Franche-Comté. Ces recherches s’inscrivent dans les thématiques de l’axe 3 du projet ISITE-BFC « soins individualisés et intégrés ».

  1. Dans ce dernier cas, on parle du « mauvais » cholestérol, bien connu du grand public pour son rôle dans les maladies cardiovasculaires.
  2. Équipe LIPNESS (Lipoprotéines et transferts de lipides dans l’inflammation stérile et septique) dirigée par David Masson et Laurent Lagrost.
  3. Méthode d’imagerie médicale basée sur l’utilisation d’un marqueur radioactif.
  4. Laboratoire d’excellence Lipoprotéines et Santé : prévention et Traitement des maladies Inflammatoires et du Cancer.

Contacts :
Thomas Gautier
thomas.gautier@u-bourgogne.fr
Laboratoire LNC UMR 1231 INSERM / uB
http://inserm-u866.u-bourgogne.fr/

Franck Denat
franck.denat@u-bourgogne.fr
ICMUB UMR 6302 uB/CNRS
http://www.icmub.com/fr/

Publié le 28/02/2019
Auteur : Delphine Gosset